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Classe à faire
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30 mars 2008

Non

Je vous invite à lire ce très bel article de Daniel Gostain paru dans l'Humanité du 15 mars.

Daniel Gostain est un enseignant Freinet à qui Zoé Varier ("Nous autres") rend régulièrement visite...  Dernièrement, sa classe avait crevé l'antenne dans une série d'émissions sur les ateliers philos.

Allez! Petit bonus (comme je suis très fière de mes nouvelles acquisitions en matière de technologie) pour accompagner votre lecture, un petit Brazilian Sun (Coco Rosie) qui sert aussi de générique à l'émission...

free music

Mais non, disent-ils

Par Daniel Gostain, professeur des écoles.

Comment l’école peut-elle aider les enfants à apprendre ?

Il y a tous ceux qui aimeraient pouvoir aider les enfants, les élèves à apprendre dans la complexité, la réflexion, en donnant du temps au temps, et il y a les « Mais non ».

État des forces en présence :

Pensons la langue : nous pourrions jouer avec la langue, explorer ses richesses et ses contraintes, sa complexité, et tout ce qu’elle peut apporter comme plaisir de lecture, d’écriture et de découverte, pour, in fine, la faire sienne.

Mais non, assènent-ils, la langue française, elle existe depuis des siècles et il faut d’abord l’apprendre telle qu’elle est, en connaître parfaitement les codes. On s’amusera plus tard, quand on saura vraiment bien la maîtriser, d’une façon utile et efficace.

Pensons les mathématiques : nous pourrions découvrir avec étonnement que les mathématiques ont partie liée avec la vie, avec la philosophie, avec la création, avec la fiction, avec le jeu, et que, finalement, cette discipline peut être infiniment riche de sens et de plaisir.

Mais non, assènent-ils, la technique, d’abord la technique, les calculs à faire et à refaire, jusqu’à l’hyper-maîtrise, le zéro défaut.

Pensons l’apprentissage : nous pourrions imaginer qu’apprendre est un acte joyeux, car inattendu dans son parcours, fait de rencontres avec des savoirs qui peuvent nous dérouter et qui sont autant de défis passionnants, pour nous faire avancer.

Malis non, assènent-ils, ce qui compte c’est l’efficacité, la maîtrise des savoirs que l’on peut évaluer, mesurer objectivement, et qui serviront à coup sûr dans la vie active.

Pensons la relation : nous pourrions faire en sorte que les relations entre enfants et adultes, mais aussi les relations entre les enfants eux-mêmes soient aidantes, chacun apportant à l’autre ce qui lui manque. Pour que 1 + 1 soit supérieur à 2.

Mais non, assènent-ils, ça prend trop de temps d’essayer de se comprendre et de coopérer. Mieux vaut se reposer sur celui qui sait et qui saura transmettre, comme on l’a toujours fait. Ça a toujours marché comme ça. 1 + 1 ça fait 2, point à la ligne.

Pensons l’histoire : nous pourrions aider nos élèves à comprendre notre histoire, qu’ils puissent se fonder sur ce qu’elle leur enseigne, et commencer à réfléchir à ce qui sera de leur responsabilité quand ils seront adultes.

Mais non, assènent-ils, enseignons-leur d’abord les jalons de notre histoire, par les principales dates et l’évocation de ces grands hommes dont on peut être si fier. Plutôt que de les faire réfléchir, il est tellement plus simple de proposer aux enfants des histoires qui peuvent les toucher directement et les émouvoir.

Pensons le monde : nous pourrions réfléchir au fonctionnement des sociétés humaines, des États, leurs avancées et leurs dysfonctionnements, ce que nous pourrions développer pour vivre mieux.

Mais non, assènent-ils, c’est trop compliqué. Il y a des gens spécialisés pour y réfléchir. Et regardez comme la société de consommation met si facilement à notre disposition tout ce que nous désirons avoir, grâce à la télévision, à l’Internet, et aux entreprises à notre service - c’est ça que nous devons développer en priorité…

Pensons la vie : nous pourrions aider nos jeunes élèves à réfléchir, à partir de là où ils en sont, pour qu’ils puissent grandir en trouvant leur place dans cette grande chaîne qu’est l’humanité.

Mais non, assènent-ils, en quoi cette quête philosophique pourrait-elle être utile à l’enfant pour s’insérer dans le marché du travail plus tard ? Pour qui nous prenons-nous ? Pourquoi chercher à se compliquer la vie ? De toute façon, on ne peut philosopher qu’à partir d’un certain âge.

Mais au fait, et si éviter de faire penser permettait de faire mieux dépenser ?

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